Le manteau

J’aime trop mon manteau en ce moment, il est bleu marine, hyper long, large, beau. Il a des grandes poches où je peux glisser mes mains, mes mouchoirs, ma carte de transports, le petit mot avec mon numéro et mon prénom que j’ai failli donner une fois. Quand je le mets j’ai l’air super chill. Je flotte dedans alors il me donne l’impression d’être moins imposante. Il me rappelle un autre manteau en fait. Quand j’avais 12 ans, j’avais une super doudoune bleue que ma grand-mère m’avait offerte. J’aimais trop la couleur, et j’aimais trop le confort qu’elle me filait. Je me souviens que quand je l’avais mise pour la première fois, un an plus tôt, on m’avait complimentée dessus. C’était le début du collège, le début de l’enfer, et cette doudoune me protégeait du froid comme des commentaires désobligeants. Un jour en hiver, un garçon l’a jetée dans le canal pendant un cours de sport, alors que je courais. Ma mère était furieuse, pas après moi évidemment, il faisait froid, mais c’est pas du froid dont je me rappelle le mieux. C’est de la honte, de la frustration, de la colère de mes parents, de l’injustice, du mec qui voulait récupérer ma doudoune quand même, de la pause du midi passée à chercher ce que je pourrais bien me mettre sur le dos maintenant que j’avais plus de manteau. Mes parents n’avaient pas d’argent alors en attendant, j’ai mis un vieux manteau de sport de quand mon père était pompier. Un truc bleu marine énorme, bien trop grand pour une gosse de 12 ans, un truc que tous mes camarades allaient trouver moche, un truc qui me ramenait au point de départ. Je l’ai adoré. Il était énorme, chaud, il avait des poches où je pouvais glisser mes mains, mes mouchoirs, mes petites brioches à la confiture de framboises de Lidl et mes papiers de Malabar. J’ai l’impression de l’avoir porté pendant des années, mais j’en ai eu un nouveau un peu plus d’un an plus tard. J’ai oublié comment les autres étaient, j’ai oublié comment étaient ceux que j’avais avant, je me souviens juste de cet énorme manteau là. Le manteau de pompier, le manteau énorme et doux, le manteau que mon père avait donné à ma mère parce qu’il était trop petit pour lui, et que je portais avec moi là-bas, comme s’ils étaient avec moi, comme si ils disaient va te faire foutre à tout le monde pour moi. C’était vraiment un bon manteau.