La lettre d’amour

Un jour, j’ai glissé une déclaration d’amour dans une boîte aux lettres. Je sais plus exactement ce que j’avais écrit mais c’était quelque chose de fort, intense comme seules les petites filles de 8 ans savent faire. Je sais juste que ça terminait par « Je t’aime. Margaux. ». Oui j’avais signé. J’ai écrit la lettre avec soin, ma copine Élodie a dit que j’avais une jolie écriture. Des mois, des années ? Que je le trouvais beau, drôle, charmant. Il avait 11/12 ans, il courait vite, il avait un prénom de mec dans les films et il savait réparer les vélos qui déraillent. Bref il s’appelait Jean et je le trouvais fantastique.

La lettre, je l’avais écrite comme en transe, complètement emballée par des centaines de visionnages de La Boum. Je pensais pas vraiment à l’impact réel, le principe tout bête d’avouer « je t’aime » à quelqu’un me grillait déjà assez le cerveau. Je sais plus si mon frère m’a dénoncée ou si je l’ai avoué moi-même, emportée par mon élan romanesque, mais ma mère a fini par le savoir. “Bonjour, ma fille a mis quelque chose dans votre boîte aux lettres et j’aimerais le récupérer, c’est une bêtise”. Elles sont descendues, elle et la mère de Jean, elles ont récupéré la lettre recouverte de coeurs gribouillés, et ma mère m’a disputée.

« Tu croyais qu’il se passerait quoi après ? ».

D’un coup je me suis sentie stupide de m’être couverte de ridicule devant le garçon, sa famille et même devant ma mère. Et puis surtout, d’avoir espéré autant. Je l’ai revu en vacances, des années après, l’été de mes 16 ans. J’ai entendu mes parents dire « oh regardez la famille machin », je me suis liquéfiée et je l’ai vu. Normal, basique. J’ai eu l’impression d’être de retour dans l’immeuble, dans ma chambre après avoir jeté la lettre, et j’avais un peu envie de disparaître.

Je regrette rien de cette histoire. Ni le manque de discrétion, ni la lettre, ni l’amour. Je suis toujours un peu cette petite fille qui laisse des mots dans la boîte aux lettres. Je raconte un peu moins de choses à ma mère mais j’ai encore le cerveau qui grille quand je dis je t’aime, et mon coeur saute toujours un ou deux battements quand je reviens à la réalité. 

Et j’aime bien que ce soit comme ça.