BD, Manger au fil des siècles, des continents et des civilisations

18 déc. 23

BD, Manger au fil des siècles, des continents et des civilisations

Manger siècles, continents civilisationsJul.

Il était dit que l'année 2023 ne s'achèverait pas sans que soit réduite à néant cette fake news préhistorique. Non, Homo sapiens n'était pas un viandard dévoreur compulsif de mammouths grillés au BBQ. Notre ancêtre chasseur était aussi à ses heures un cueilleur qui se régalait de légumes, fruits, fleurs et graines, inventant ainsi à des milliers d'années près le flexitarisme !

Manger siècles, continents civilisationsManger siècles, continents civilisationsManger siècles, continents civilisations Manger siècles, continents civilisationsManger siècles, continents civilisations (Photo Rita Scaglia) Manger siècles, continents civilisations

Cette vérité là et quelques autres qui sont elles aussi bonnes et drôles à connaître, on les trouve, sous la plume du critique culinaire Aïtor Alfonso et du dessinateur à succès Jul. Dans La faim de l'histoire, la BD qu'ils ont publiée à 4 mains en novembre 2023 aux Editions Dargaud, ils retracent une histoire du monde par la gastronomie, un récit drôle et iconoclaste qui décrypte l' aventure de l'Humanité à travers le prisme de la faim et de la nourriture. Avec pour fil conducteur l'envie de raconter comment un acte apparemment aussi primaire et trivial que de manger a su devenir, quasiment dans toutes les civilisations sur tous les continents, un art et une culture.

Manger siècles, continents civilisations

Au fil des pages, on se régale des formules à l'emporte-pièce d'autant plus savoureuses qu'on les sait fondées sur des sources historiques fiables. Si Aïtor Alfonso peut attester que, dans l'Egypte antique, "être mort n'est pas une raison suffisante pour s'arrêter de manger " (!), c'est bien parce que les tombeaux de la Vallée des Rois regorgent de victuailles destinées à aider les pharaons défunts à se nourrir dans l'au delà.

Une rigueur scientifique revendiquée qui n'empêche pas les auteurs de se livrer à des "révélations" qu'on pourrait voir dans Closer ou sur CNews. invité à dîner chez Georges Marchais, se vit servir par Liliane, l'épouse du dirigeant historique du Parti communiste français, "du foie gras et une omelette aux truffes, arrosés de vins de bordeaux et de Bourgogne". Ou encore comme l'invention de la cuisine moléculaire dans l'Italie fasciste de Benito Mussolini. Sur la face cachée de people des siècles passés par exemple. Comme le naturaliste Charles Darwin qui, doté d'un curieux appétit pour les viandes bizarres, avait créé dans sa jeunesse le Club des gloutons et qui, à l'occasion de son tour du monde, s'était découvert fan de l'agouti (un rongeur de la taille d'un lièvre, originaire des Antilles et d'Amérique du Sud) mais avait marqué le pas devant une dégustation de foetus de puma. Ou le Lider maximo Fidel Castro qui,

Les deux compères n'hésitent pas non plus à réhabiliter par le menu l'image de peuples considérés comme primitifs ou réduits à leur seule image de violence. Ainsi racontent-ils la stupéfaction incrédule du conquistador Cortès devant l'opulence du marché de Tlatelolco, capitale de l'Empire des " sauvages" aztèques (un marché qui s'avère être deux fois plus frand que celui de Salamanque, dans la très civilisée Espagne). Ou le raffinement de la culture culinaire des samouraïs, ces guerriers lettrés vassaux de seigneurs dans le Japon féodal dont l'Occident n'a retenu souvent que l'iconographie soldatesque.

Une ce que Jésus a mangé avec les apôtres pendant la Cène BD à feuilleter sans modération par qui veut s'amuser à apprendre de quoi était composé le dernier repas des habitants de Pompéi ou le banquet donné en 172 à Pékin pour les 66 ans de l'empereur chinois Kangxi, quel était le régime alimentaire des moines de Cluny, des Parisiens pendant le siège de Paris en 1870 (un indice, selon Victor Hugo, ils mangeaient "de l'inconnu") ou des Poilus pendant la guerre de 1914-18, ...

... Pourquoi on surnomme -à tort- Catherine de Médicis " la reine à la fourchette", quels étaient les mets préférés des sorcières des 16 et 17èmes siècles, comment les esclaves du Sud des Etats-Unis n'ont eu d'autre choix que d'inventer la soul food, ce qu'il y avait dans l'alimentation " non violente" de Gandhi, ou comment a été gérée l'intendance au Festival de WooSstock en août 1969...

Vivement la sortie du tome 2 de La faim de l'histoire !