Une fête du pain à la sauce Brestoise

Par Stephanepht

La Fête du Pain se déroule traditionnellement en Mai et ce, dans la France entière. Mais à Brest, il en existe une seconde, au mois d’Octobre. Celle-ci ne célèbre pas Saint Honoré mais plutôt un quartier, celui de l’Europe-Pontanezen.

Un terrain stabilisé à Pontanezen, quartier défavorisé de Brest. C’est ici que se déroule la 6ème édition de la fête du pain. C’est ici également que s’étaient installés les soldats US durant la première guerre mondiale, en 1917 exactement. Une date anniversaire et une célébration qui dépasse largement le cadre de la boulangerie. Pour l’une des bénévoles membre du comité d’organisation, «il s’agit en réalité d’une fête de quartier. Lorsque nous avons lancé ce projet il y a maintenant six ans, nous avons choisi le pain comme fil rouge car il est fédérateur, il est présent dans toutes les cultures.» Il est vrai que dans ce quartier populaire, les immenses tours font cohabiter différentes nationalités, différents modes de vie et donc différentes gastronomies. Réussir à rassembler tout le monde dans une période où le quartier ne cesse d’être stigmatisé et victime de ses préjugés n’a rien d’évident. C’est pourquoi la satisfaction était de mise hier à la vue de la belle affluence et de la joie de se retrouver ensemble dans l’unique but de passer un joli moment, autour d’une barbe à papa ou d’une crêpe au sucre -Bretagne oblige!- . De nombreux habitants profitaient de l’occasion pour rejoindre la fête un saladier de pâte sous le bras, le billig dans le main afin de faire découvrir à ses amis boulangers d’un jour la spécialité de leur pays ou régions. Pendant que les enfants dégustaient leur kesra et s’adonnaient aux jeux de la fête foraine, une référence de la boulangerie finistérienne préparait son four à bois : Philippe Canévet, boulanger bio depuis 1985. D’abord présent sur les marchés brestois puis dans les biocoop, les pains Canévet sont aujourd’hui distribués en grande distribution. Pas un paradoxe pour le boulanger. « Pour nous la grande distribution c’est un défi intéressant. Si on y est c’est qu’on vend et qu’il y a même des consommateurs qui viennent dans la grande distribution chercher ces produits là. » Quand à l’omniprésence des grands groupes en lieu et place de boulangers indépendants, notamment dans les centres-villes, Philippe Canévet ne se montre pas inquiet: «J’ai confiance en ma profession, je suis dans ce métier depuis les années 70. Il a bien résisté à la grande distribution, aux grandes chaines et je crois que les centres de formations font un boulot extraordinaire. L’artisanat respecte les gens, pour avoir de la qualité il faut respecter les gens. L’ouvrier apprenti qui respecte son métier sait où il faut aller pour respecter la boulangerie. » Et lorsque nous évoquons avec lui la suppression du RSI , prévu pour le 01 janvier 2018, Philippe Canévet s’en réjouit «Il serait temps, j’ai l’impression d’alimenter un puits sans fond». Lors de la dégustation, le pain de campagne de Philippe Canévet remportera un large succès. De quoi remettre le pain au centre de la fête qui porte son nom ? Pas forcément.

Jean Pierre Rives, ancien troisième ligne du XV de France, déclarait un jour en parlant du rugby que «le ballon, ce n’est qu’un prétexte pour se retrouver entre amis et s’amuser». En regardant cette foule melting-pot danser le sourire aux lèvres sur des airs traditionnelles breton en un samedi après midi pluvieux, on réalise que le pain ne vaut pas mieux qu’un ballon de rugby. En tout cas hier après-midi, il n’existait pas par lui même et n’avait pour but que de créer de la joie. De la joie à partager. Et franchement, ce n’est pas le rôle le plus ingrat.

Article et photos : Anthony GEORGES

Twitter : @anthogeorges